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10 juillet 2019

La forêt : Le forestier face au changement climatique

Publié par Laure Dangla / Engref 06 et Pierre Dubuisson / D76 | Demain

 Le forestier prévoit des opérations qui ne porteront leurs fruits que dans 50 à 100 ans, et pour lui, 100 ans, c’est demain… La forêt devra pendant ce temps subir les conséquences du changement climatique. Comment les espèces vont-elles évoluer ? Que faire aujourd’hui pour les forêts de demain ?

 


 Le 4 juillet 2018, un phénomène orageux exceptionnel s’abat sur les départements de la Nouvelle Aquitaine, avec, par endroits, des vents à plus de 120 km/h. Les dégâts sont considérables, et sur certains sites, supérieurs à ceux de la tempête de 1999. Ces épisodes extrêmes de plus en plus fréquents s’ajoutent à un dépérissement accéléré de certaines populations de feuillus, aux causes probablement multiples. Des dépérissements liés au stress hydrique furent aussi constatés lors de la sécheresse de 2003. Ils concernaient principalement le chêne pédonculé, le hêtre, le sapin et l’épicéa (1/3 de la forêt française), à la limite Sud des aires bioclimatiques en région méditerranéenne, devenue ainsi « vigie du changement climatique ». Une carte de l’évolution de ces aires bioclimatiques pour les principales espèces a ainsi pu être établie

QUELLE EST L’ADAPTABILITÉ NATURELLE DES ARBRES ?
« L’adaptation résultant de modifications génétiques des populations suite à une sélection naturelle ne peut se réaliser que sur plusieurs générations. […] Au-delà de ces changements transmissibles, des modifications phénotypiques non contrôlées par des gènes peuvent également permettre aux arbres de répondre à des crises environnementales. Elles sont plus « rapides » mais non transmissibles. C’est ce qu’on appelle la plasticité » (d’après A. Kremer, La Forêt et le Bois en France en 100 Questions) Ainsi, en plus d’un patrimoine génétique varié, les arbres sont susceptibles de s’exprimer différemment selon les stimuli extérieurs. Mais le mécanisme en reste aléatoire et la vitesse de réaction à ces phénomènes peut même constituer un frein.
D’autres mécanismes d’adaptation existent, comme l’hybridation interspécifique entre espèces de zone tempérée et espèces méditerranéennes, pour les espèces ayant gardé la capacité de se croiser (cas des chênes par exemple). A l’échelle internationale, le monde de la recherche étudie donc avec intérêt la survie d’espèces de provenances différentes pour déterminer des espèces plus résistantes ou plus plastiques.

TENIR COMPTE DES ENSEIGNEMENTS DES CYCLES PASSÉS
L’analyse des cycles climatiques du quaternaire a aussi permis de tirer plusieurs enseignements. C’est une période intéressante car l’amplitude de variation y a été supérieure à celle envisagée dans le contexte actuel, et la capacité des arbres à suivre leur enveloppe bioclimatique (température, précipitations) dans sa translation vers le Nord a pu être étudiée. Un « tri sélectif majeur » par sélection naturelle a pu être mis en évidence, accompagné d’une migration rapide des espèces au cours des périodes de réchauffement. Une adaptation locale par sélection naturelle, ainsi qu’un maintien de la diversité génétique, ont également été constatés.

Un autre facteur d’adaptation s’est manifesté au travers d’échanges de gènes entre espèces, ou entre populations d’une même espèce isolées auparavant. La vitesse avec laquelle l’évolution génétique se fait reste cependant inconnue, et il est aussi difficile de se prononcer sur les modifications induites par les communautés d’insectes ou de pathogènes associés, qui contribuent à la valeur adaptative de l’arbre.

ANTICIPER, MAIS SUR QUELLES BASES ?

Pour favoriser la résistance au stress hydrique, principal facteur limitant, des méthodes d’entretien des peuplements sont testées telles que la réduction des densités de peuplement, le mélange d’essences, ou une rotation des coupes limitée à 50 ans. Prévoir les évolutions de nos forêts dans ce contexte reste difficile à l’échelle d’une parcelle. C’est pourquoi le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) s’est mobilisé pour donner un outil de terrain aux gestionnaires forestiers. Partant de l’analyse de données de terrain (dendrométrie, état sanitaire, pédologie, climat actuel et futur…), les chercheurs de l’Institut pour le Développement Forestier (IDF) ont créé et testé des modèles de bonne survie des espèces. Ils ont synthétisé ceci dans une application nommée BIOCLIMSOL : un « traducteur de risque » qui sert d’interface opérationnelle entre la recherche et le forestier. Cette dernière estime la vitalité des essences forestières en un lieu donné, compte tenu de la station actuelle et des évolutions climatiques prévisionnelles. Elle apporte des informations pour guider le travail du forestier pour la gestion des peuplements sur pied ou pour le choix des essences de reboisement. Cet outil évoluera en fonction des avancées de la recherche, et il pourra être utilisé par tous les gestionnaires forestiers pour adapter leurs préconisations au regard des changements climatiques

Pourquoi parler de forestier ?
Le terme forestier est un terme général qui peut à la fois convenir à un propriétaire qui gère son patrimoine, seul ou accompagné, et à un professionnel : gestionnaire, coopérative, entreprise de travaux forestiers, exploitants…
Pour aller plus loin : www.academie-foret-bois.fr/ www.foretpriveefrancaise.com/n/bioclimsol/n:558

 

Pages réalisées par Laure Dangla / Engref 06 et Pierre Dubuisson / D76

Auteurs

Laure Dangla / Engref 06
Pierre Dubuisson / D76

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